Sit-inneurs d’El Kamour : Décidés ou manipulés ?

Les sit-inneurs ne vont pas lâcher prise. Si la nouvelle formation gouvernementale Jemli est votée à l’ARP, la crise d’El Kamour sera-t-elle désamorcée ?

A Tataouine, des mots embrasent, d’autres apaisent. Ainsi va, semble-t-il, le sit-in prolongé d’El Kamour qui investit, depuis trois semaines, le siège du gouvernorat, après avoir limogé son gouverneur. La suspension de la grève de la faim, entamée samedi dernier, ne signifie pas forcément la levée du sit-in observé par des sans-emploi, ni le désamorçage de la crise sociale. Ce n’est, à vrai dire, qu’un semblant d’accalmie qui ne va pas durer longtemps. C’est, tout jute, si l’on peut dire, un temps d’arrêt pour pouvoir recommencer. Et pour que les jeunes manifestants reprennent un second souffle.   

Téméraires, les protestataires ont occupé les locaux du gouvernorat de Tataouine, le 19 du mois écoulé, suite à un discours jugé emphatique et démesuré improvisé par le président de la République Kaïs Saïed, lors des festivités de la révolution à Sidi Bouzid. Ses mots furent ainsi compris comme un appel d’air et un fer de lance déclencheur de colère.

Pour les sit-inneurs, ce fut, alors, une carte blanche, de quoi tirer raison et légitimité. Ils ont, d’ailleurs, renoué avec leurs revendications d’autrefois, celles stipulées par le fameux accord d’El Kamour signé en juin 2017 par le gouvernement sortant de Youssef Chahed, avec la médiation de l’Ugtt. Petit rappel pour l’histoire, un tel accord avait, à l’époque, réussi à rétablir l’ordre dans la région. Et puis, retour à la normale de l’activité pétrolière, après que le gouvernement avait promis la satisfaction des revendications brandies. Soit l’application des clauses de l’accord en question : allocation de 80 millions de dinars pour un fonds de développement et d’investissement dédié au gouvernorat de Tataouine, recrutement de 1.500 chômeurs au sein des sociétés pétrolières et 500 autres à la société de l’environnement, la poursuite de l’enquête sur la mort d’Anouar Sakrafi, un jeune manifestant percuté par un véhicule de la Garde nationale, et l’ouverture des dossiers de corruption dans la région.

Et pourtant, le sit-in se poursuit

Entre-temps, rien n’y a été fait. Les promesses n’étaient qu’un feu de paille. Mise en œuvre des revendications, c’est le revers de la médaille ! Et le gouvernement Chahed continue à faire la sourde oreille.

Chose qui a tout remis sur le tapis. Insatisfaits, les jeunes manifestants d’El Kamour, on les a déjà vus revenir à la charge. En sit-in ouvert, sans relâche ni répit, jusqu’à leur entrée dans une grève de la faim sauvage qui a pris fin samedi dernier, suite à la récente intervention du chef de l’Etat. Dans ce sens, une lettre présidentielle leur a été adressée pour les rassurer que leur cause bénéficie d’un intérêt tout particulier et que le président Kaïs Saïed en personne est en train de suivre ce dossier. Soit une question de jours voire de semaines à venir. Un nouvel engagement pris, cette fois-ci, au plus haut niveau de l’Etat, par celui qui est reconnu comme étant le parrain de la jeunesse en Tunisie. Encore une fois, le message du président semble rassurant, fédérateur et capable d’apaiser les tensions dans la région. Son discours à Sidi Bouzid, rappelle-t-on, fut, plutôt, incitatif et mobilisateur.

L’on constate, ici, que la légitimité électorale de Kaïs Saïed a suffisamment de force d’argument et de conviction auprès des jeunes manifestants. Ses mots pèsent sur leur décision.

Toutefois, renoncer à la grève de la faim ne signifie pas  forcément tout arrêter. Mais « cette décision reflète bel et bien la confiance que vouent les jeunes de Tataouine au président de la République…», avait déjà déclaré Tarek Hadded, porte-parole des manifestants d’El Kamour. Il a insisté que le mouvement se poursuivra au siège du gouvernorat jusqu’à la satisfaction des revendications et l’application des accords. Donc, les sit-inneurs ne vont pas lâcher prise. Si la nouvelle formation gouvernementale Jemli  est votée à l’ARP, la crise d’El Kamour sera-t-elle désamorcée ?

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